Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Théories et courants de pensée

Pour comprendre le changement de paradigme en cours (appelé notamment 'la révolution noétique'), il est utile de connaître les théories et courants de pensée qui le sous-tendent.

Analycisme

(Voir Cartésianisme)


Big-bang

Suite au modèle de la théorie de la relativité générale d'Albert Einstein (1916), développé en modèle d'univers ouvert et infini (par de Sitter en 1917) et non statique (par Friedman en 1922), le chanoine Lemaître propose en 1931 (après ses travaux, en 1927, avec Eddington sur le décalage spectral vers le rouge des rayons lumineux déviés par gravitation) la théorie de l'"atome primitif" qui sera reprise sous le nom "big-bang" par Gamow en 1948. Cette cosmologie est aujourd'hui universellement adoptée par la communauté scientifique. Elle considère l'univers comme le déploiement d'une singularité originelle ponctuelle qui explosa il y a quelques milliards d'années et qui, depuis, se dilate en s'organisant progressivement.

 
Catastrophes (René Thom)

La théorie des catastrophes (années 1950) est une théorie mathématique complexe qui modélise les différentes modalités de déploiement des singularités au sein d'un espace topologique. Pour un espace de moins de 4 dimensions, Thom exprime sept scénarii de déploiement singulier (ce qu'il nomme une catastrophe).

 
Chaos

La théorie du chaos (les théories, faudrait-il dire) étudie les modalités de développement de structures au sein de systèmes turbulents et/ou volatils tels qu'une flamme de bougie, un nuage, la fumée d'un feu, etc … (voir aussi Structures dissipatives). La théorie du chaos a, par exemple, une importance croissante en météorologie. Il s'agit en somme de découvrir des structures organisationnelles subtiles derrière l'apparent désordre de ces systèmes évanescents.

 
Cartésianisme

Descartes a systématisé la méthodologie cartésienne (qui date de Platon et d'Aristote) en quatre principes : le principe d'évidence (douter de tout sauf de ce qui est évident), le principe d'analycisme (le Tout doit s'expliquer intégralement par ses parties),  le principe de réduction (le Tout se réduit à l'exacte somme de ses parties) et le principe d'exhaustivité (pour comprendre le Tout, il faut tout comprendre de toutes ses parties). La pensée noétique est post-cartésienne dans ce sens qu'elle observe que la méthode carté&sienne ne s'applique qu'aux systèmes simples. Dès qu'un système est complexe, rien n'est évident puisque tout dépend du regard que l'on porte (relativisme), le Tout et ses parties évoluent dialectiquement (systémisme), le Tout est bien plus que la somme de ses parties (holisme) et le Tout se comprend à partir de ses finalités indépendamment de ses parties (téléologie).

 
Complexité

Irréductibilité du réel à la juxtaposition de « briques » élémentaires soumises à des lois universelles et fixes d’interaction entre eux.

 
Cosmologie systémique de la complexification

Vision de l'évolution universelle comme une montée progressive dans l'échelle de la complexité, chaque échelon correspondant à un niveau d'architectures stables entre deux transitions.

 
Cybernétique

Au départ (depuis 1945), sciences et techniques liées au fonctionnement des automates et des robots. Ensuite, par extension, étude de la régulation (notamment des boucles de rétroaction).

 
Darwinisme

Charles Darwin (1809-1882) n'est pas l'inventeur de la théorie de l'évolution qui existe depuis longtemps (notamment dans l'idée de création/émanation progressive du monde pendant les "six jours" de la Genèse biblique). Lamarck, avant lui, l'avait déjà explicitée pour rendre compte de l'existence de fossiles ne correspondant à aucun vivant. Par contre Darwin est bien le premier à avoir formulé le principe de la sélection naturelle du plus apte comme mécanisme de l'évolution des espèces. Ce principe reflète l'idéologie victorienne du temps. Il est aujourd'hui largement relativisé par la biologie contemporaine qui voit, dans ce mécanisme, un des très nombreux mécanismes de régulation des écosystèmes.

 
Entropie

Concept thermodynamique qui mesure, au sein de tout système délimité, le taux d’inhomogénéité.  L’entropie est maximale lorsque l’homogénéité est parfaite, lorsque tout est uniforme, lorsqu’il n’existe plus aucun gradient de quoi que ce soit.

 
Evolutionnisme cosmique

Théorie née de la rencontre entre relativité générale et big-bang d'une part, et vision téléologique à la Bergson ou à la Teilhard d'autre part. L'idée centrale est que l'univers, pris comme un Tout unique et unitaire, est un système complexe qui évolue en se dilatant et en se complexifiant, poussé par une force téléologique vers son entéléchie (voir ces mots dans le glossaire).

 
Fractale
(Benoît Mandelbrot)

Objet géométrique abstrait de dimension fractionnaire. La théorie des fractales a joué un double rôle dans la compréhension des systèmes complexes (qui évolue presque toujours selon des processus fractals) et du chaos (les attracteurs chaotiques sont des fractals).

 
Holisme / holistique

De holon en grec : entité globale, totalité, etc …

Le principe holistique exprime que le Tout est plus que la somme de ses parties du fait de propriétés émergentes originales qui n'appartiennent à aucune des parties, mais qui naissent de leurs interactions. Le cassoulet est bien plus que la juxtaposition de ses ingrédients. La mayonnaise est irréductible à ses composants. Etc … Cette caractéristique holistique des systèmes rend la méthodologie cartésienne (analytique et réductionniste) inopérante et inadéquate.

 
Humanisme

Expression morale et politique du principe plus général d'anthropocentrisme. "L'homme est mesure de toute chose" en est l'expression la plus forte et la plus ancienne. Tout est ramené à l'homme, tout est amené à l'homme et pour l'homme.

L'homme se considère comme le centre, le sommet et le but de l'univers.

L'homme acquiert une dignité et une valeur inaliénable du simple fait d'être "homme".

Cette vision narcissique est incompatible avec la vision noétique pour laquelle l'homme n'est qu'un instrument et un chaînon dans le processus cosmique d'évolution et pour laquelle l'homme ne prend de valeur qu'au travers de sa contribution à cette cosmogenèse.

 
Incertitude (principe d’Heisenberg)

Dès 1927, Heisenberg formule ce principe d'incertitude qui dit qu'il est impossible de connaître simultanément la position et la vitesse d'une "particule", non pour des raisons d'instrumentation, mais pour des raisons intrinsèques. La généralisation de ce principe a permis de mettre en évidence l'imprévisibilité des systèmes complexes et leur indéterminisme.

 
Loi des effets pervers

Cette loi est une conséquence de la théorie des systèmes complexes. Elle exprime qu'une cause ponctuelle induit des processus de réaction dont les résultats sont souvent inverses de ceux escomptés. Un exemple connu est l'effet inverse sur le chômage de la loi sur les 35 heures de travail hebdomadaire de Martine Aubry : une mesure simpliste imposée à un système complexe produit des catastrophe. C'est le syndrome des apprentis-sorciers.

 
Monisme

Vision métaphysique qui inscrit tout ce qui existe, connu ou inconnu, perceptible ou non, dans une unité absolue : l'Un. Le monisme est un dépassement du panthéisme (qui ne voit que le Tout sans le transcender dans le Un). Il s'oppose radicalement à tous les dualismes (dont le platonisme qui distingue radicalement Idée et Monde) et tous les monothéismes (dont le christianisme qui distingue radicalement le monde spirituel divin et le monde matériel).

Le monisme est la seule métaphysique logiquement compatible avec la pensée noétique.

 
Post-rationalité

La post-rationalité est le dépassement à la fois de la rationalité et de l'irrationalité. Elle exprime l'impérieuse nécessité de réhabiliter et de développer des voies et méthodes de connaissance alternatives et complémentaires à la seule Raison. Au tire de ces méthodes se trouvent les métalangages (dont les langages symboliques et métaphoriques) et les métalogiques (dont les analogies et les logiques dia- et trialectiques).

 
Réductionnisme

(Voir cartésianisme)

 
Régulation

(Voir Cybernétique)

 
Structures dissipatives
(Ilya Prigogine)

Ilya Prigogine (Prix Nobel 1977) est à l'origine des théories thermodynamiques des systèmes loin de l'équilibre. Il a notamment mis en évidence la modélisation théorique de l'émergence d'organisation complexe et spontanée (ce sont les structures dissipatives) au sein de milieu soumis à de forts gradients. L'émergence de ces structures (comme les cellules de Bénart dans de l'eau qui bout) démontre que l'ordre (de la néguentropie, donc) peut naître spontanément, dans certaines circonstances, au sein du désordre, ce qui semblait totalement contradictoire avec le second principe de la thermodynamique (dit principe de Carnot) qui veut que tout système tende naturellement à maximiser son entropie.

 
Téléologie / Principe téléologique

La téléologie est, étymologiquement, le discours sur les finalités.

Plus précisément, le principe téléologique est le principe systémique qui exprime que tout système évolue afin d'accomplir sa vocation intime en fonction des opportunités offertes par son écosystème. Cela signifie donc que tout système évolue comme s'il poursuivait un but, une finalité (celle de s'accomplir en plénitude). Mais ces finalités étant relatives et variables dans le temps, il faut se garder de tomber dans le finalisme.

 
Thermodynamique

La thermodynamique est la partie de la physique qui étudie les échanges d'énergie au sein de milieux macroscopiques.

Elle est fondée sur deux grands principes : celui de la conservation de l'énergie et celui de la maximisation de l'entropie (c'est-à-dire de l'homogénéité).

Notamment au travers des travaux de Prigogine, la thermodynamique a été le point de départ de bien des explorations dans le domaine des systèmes instables ou complexes. Ces travaux ont permis de clarifier les difficiles notions d'ordre et de désordre, ainsi que celles de processus évolutifs et de structures organisationnelles.