Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Philosophie de l'algorithmie

L'algorithmie fonde un des piliers du paradigme qui naît sous nos yeux.

L'algorithmie est un jeu quintuple entre :

 

  1. Un langage analytique (vocabulaire) et réglé (grammaire),
  2. Des contenus véridiques exprimés dans ce langage,
  3. Une énorme puissance de calcul,
  4. Une logique combinatoire précise mais ouverte,
  5. des instruments de vérification des nouveaux contenus produits.

 

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Il faut cesser de parler d'Intelligence Artificielle (IA) qui n'existe pas.

Il faut parler l'algorithmie, c'est-à-dire de l'art de construire et d'utiliser des logiciels puissants capables, au sein d'un langage donné, de produire des modèles combinatoires sophistiqués à partir de contenus qu'on leur fait ingurgiter.

 

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L'algorithmie est capable de générer des architectures langagières (peu importe le langage pourvu qu'il soit analytique et logique) complexes et improbables, compatibles avec les faits et les connaissances avérées, dans un langage sophistiqué.

L'algorithmie est un générateur langagier simulant et amplifiant (à coup de grosses puissances de calcul) des processus intellectuels.

 

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L'algorithmie développe une intelligence totalement artificielle et imitative, mais sans aucune conscience de ce qu'elle produit comme résultat. Elle "intel-lige" (elle "lie entre" eux) des concepts, des modèles, des architectures ou des processus, possédant une logique intrinsèque, dans un langage quelconque que l'humain lui a fait ingurgiter et a nourri de tombereaux de contenus choisis et triés en fonction du projet humain concerné.

Au sens strict où elle intel-lige, l'algorithmie est une intelligence, mais elle n'est ni pensée, ni conscience, ni esprit ; elle est un pur robot programmé pour manipuler, simuler, interpoler, amplifier, hybrider, fusionner des architectures langagières.

 

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L'algorithmie sera le cœur du paradigme de la Noéticité, premier des trois paradigmes qui se succèderont dans la civilisation eudémoniste qui commence sous nos yeux.

Les entités immatérielles, donc virtuelles et artificielles, prendront la place, dans le monde humain, des entités matérielles et naturelles.

Tous les interfaces (notamment la production agricole et industrielle, ou la guerre entre deux continents culturels ...) seront l'affaire de robots soumis à l'autorité d'       algorithmes d'origine humaine, certes, mais capables de générer des architectures langagières bien plus complexes et originales que n'en serait capable le meilleur des cerveaux humains.

La seule fonction humaine sera de gérer les Intentionnalités  mises en œuvre aux différents niveaux et dans les différents domaines de l'activité "humaine".

Aux humains de répondre aux "pour quoi ?" (dans quel but ?). Et aux algorithmes, ensuite, de répondre au "comment ?" de la manière la plus efficiente et la plus optimale. Une fois cette réponse au "comment ?" entérinée par l'humain, l'exécution en sera confiée à des robots fabriqués par d'autres robots dans des usines pilotées par d'autres algorithmes.

 

Le point crucial de cette civilisation eudémonique (donc post mythologique – Antiquité - et post-messianique - Christianité) va être les modalités de validation par l'humain des enclenchements (affirmation d'une Intentionnalité évolutive) et des propositions (acceptation d'un processus d'accomplissement de cette Intentionnalité) algorithmiques.

Qui aura le pouvoir de ces validations ? Là est le centre de la nouvelle problématique politique : quelles seront les processus, les intentions et les valeurs mises en œuvre dans ces validations, sachant que ces processus, intentions et valeurs pourront, pareillement, faire l'objet de propositions algorithmiques et de simulations virtuelles.

 

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Toute pensée est-elle condamnée, fatalement, à être analytique c'est-à-dire à considérer que tout est réductible à des entités élémentaires reliées entre elles dans des architectures dynamiques aussi complexes que l'on veut ? C'est ce que fait un algorithme quelconque dans ses architectures langagières.

La pensée n'a-t-elle pas aussi son versant holistique et global (inaccessible aux algorithmes), parlant du Tout en tant que Tout-Un, au-delà des entités élémentaires et des relations élémentaires qu'elle imagine pour "expliquer" ce Tout-Un ?

 

Que penser du Tout-Un-Divin-Réel ?

Sur "Dieu", il n'y a rien à dire, prétendent certains.

D'autres disent : Dieu n'existe pas et tout est hasard.

Je pense, moi, comme bien des spirituels depuis Héraclite en passant par la Kabbale, Spinoza et Bergson, que "Dieu" est la divine Intentionnalité qui donne sens au Tout-Un-Réel et qui est le moteur de tout ce qui s'y passe. La nature de cette Intentionnalité est affaire de spiritualité et non de scientificité.

 

Cela mène à cette perspective : à l'avenir, l'humain sera en charge de la spiritualité (et de l'Intentionnalité) alors que l'algorithmie sera en charge de tout le reste (mais sous le contrôle de la spiritualité c'est-à-dire de l'expression des Intentionnalités globales et locales).

 

Ces deux mots et concepts sont certes trop étroits, mais toute la pensée humaine s'élabore dans le dialogue entre deux pôles distincts, relevant de méthodes et de langages distincts : la "Science" (la scientificité : la compréhension de la Réalité) et la "Religion" (la spiritualité : la recherche de l'Intentionnalité).

 

L'algorithmie ne concerne que la "scientificité" et l'interface avec la Réalité et avec sa Substantialité.

 

Après le simplisme du mécanicisme de la Modernité, le complexisme s'impose et, avec lui, l'algorithmisme qui est au centre du paradigme de la Noéticité.

 

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