Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Ontologie du Devenir (Anne Fargot-Largeault)

Notes de lectures

Si l'on nomme, suivant l'étymologie, Ontologie les métaphysiques objectales de l'Être, il faudrait nommer Généalogie, les métaphysiques processuelles du Devenir (Nietzsche l'avait parfaitement compris).

Dans le Réel, tout est généalogie. Dans le Réel tout n'est que généalogies.

L'ensemble de toutes les généalogies spécifiques forment la Généalogie globale et totale du Réel pris comme un Tout-Un articulant Matière (une topologie), Vie (une dynamique) et Esprit (une eidétique).

Cette Généalogie globale est donc soumise à un Nomos qui est son eidétique et qui en assure la cohérence. (comme Logos a donné "logique" et "logicité", il faudrait que Nomos puisse donner, symétriquement, "nomique" et "nomicité").

 

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Ce que l'on nomme "énergie", c'est la quantité de travail fourni par unité de temps, pour une transformation au sein d'un processus.

Autrement dit : la quantité de travail fourni par unité de temps, pour diminuer l'inertie d'un processus.

 

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Inspirée, sans doute, par Héraclite, Lao-Tseu, et relayée par Nietzsche, Bergson, Einstein, Teilhard de Chardin et quelques autres dont Whitehead, la grande révolution intellectuelle, tant philosophique que scientifique, qui est en cours, consiste en le passage radical d'une vision du Réel en termes d'objets, d'assemblages et de structures (d'analycité et de hiérarchisation), à une vision du Réel en termes de processus, d'émergence et de généalogies (d'holisme et de réticulation).

 

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Tout processus doit être regardé de deux points de vue, le premier est intérieur et instantané, et le second est extérieur et global.

Du point de vue intérieur instantané, tout processus est mû par trois moteurs bipolaires, à savoir :

 

  • Le moteur topologique d'encombrement inscrit dans la tension entre volume et surface.
  • Le moteur dynamique d'activité inscrit dans la tension entre énergie et inertie.
  • Le moteur eidétique de complexité inscrit dans la tension entre néguentropie et entropie.

 

Du point de vue extérieur global, tout processus est circonscrit par quatre contraintes, à savoir :

 

  • La contrainte téléologique qui attire le processus vers sa propre raison d'exister.
  • La contrainte généalogique qui porte le processus par l'accumulation de sa propre mémoire.
  • La contrainte écosystémique qui impose au processus des limites et des échanges du fait de l'existence de tous les autres processus connexes.
  • La contrainte axiologique (autonomique et hétéronomique) qui force le processus à appliquer certaines règles d'organisation.

 

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Dans le Réel il n'y a que des processus en marche ; ce qui nous prenons pour un objet n'est qu'une "image" instantanée d'un processus.

 

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A vrai dire, un processus n'a aucune limite réelle, ni dans l'espace (il ne commence ni ne s'arrête nulle part, il est distribution, autour d'une ligne de vie, d'encombrement, d'activité et de complexité), ni dans le temps (il a une généalogie avant son apparition et des conséquences après sa dissolution), ni dans la forme (selon les endroits et les moments, sa complexité est fluctuante).

C'est nous qui le délimitons par des frontières artificielles liées à nos seuils de perception ou à nos conventions métrologiques.

 

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Au contraire de la philosophie grecque, c'est la spiritualité hébraïque (biblique) qui institue l'idée de processus universel.

Le premier chapitre de la Genèse est évidemment limpide à ce sujet.

De même, l'idée d'Apocalypse ("dévoilement") à la fin des temps développée dans la littérature des deux siècles précédant l'ère vulgaire et reprise (et plagiée) par Jean dans le "Témoignage chrétien".

Dans cette pensée hébraïque, tant le monde global que la vie de chacun est un processus de construction. Et l'idée de l'Alliance ne fait que stipuler que la construction d'une vie humaine doit se faire au service de la construction du Tout-Un et selon ses règles à lui.

 

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L'idée d'un monde statique est historiquement indo-européenne. Celle d'un monde dynamique est essentiellement orientale (de la Bible au Tao-Té-King).

 

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Elle est bien curieuse cette idée vieille et fausse que seul l'immuable serait intelligible. Cette idée fausse fut le moteur de l'idéalisme (l'immuabilité est idéale) dualiste (le changement en face de l'immuable) d'un Pythagore et d'un Platon (repris par le christianisme).

 

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Avec l'avènement de la pensée complexe - qui est l'autre nom de la pensée processuelle -, rien dans la Réel n'est immuable. En revanche, ce sont les méthodes d'étude qui ont tendance à se stabiliser et à s'universaliser.

 

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L'atomisme avait enfermé l'immuabilité de l'Être dans les atomes, la variabilité venant de la mutabilité labile de leurs assemblages (c'était encore la vision physicienne du début du 20ème siècle) ; le modèle quantique a définitivement ruiné l'idée de briques élémentaires constitutives du Réel. Il n'y a pas d'atomes immuables, il n'y a pas de briques élémentaires immuables. Au mieux, il existe des agrégats plus ou moins stables d'une substance prématérielle que j'ai appelé (après Aristote) la hylé.

De plus, l'idée d'atome implique l'idée de vide et l'on sait, à présent, que le "vide" n'existe nulle part.

Parallèlement, l'immuabilité de l'Être a tenté de se blottir dans les constantes universelles des lois de la physique. Peine perdue, ces "lois" sont des "produits" engendrés par l'évolution et les "constantes" qu'elles recèlent se sont ajustées au fur et à mesure, par essais et erreurs.

 

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La "forme" est plus pérenne que les "constituants".

Les cellules et les atomes qui me constituent changent et se renouvellent sans cesse, sans que mon tout ne varie à la même vitesse qu'eux.

C'est donc l'organisation et la structure immatérielles qui sont plus essentielles que les composants matériels qu'elles contiennent.

La Matière passe ; l'Esprit reste !

Plus une "forme" est élémentaire et primitive, plus elle est pérenne.

 

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Dans le Réel, il y a de la distanciation, de l'évolution et de la conformation. De là, l'esprit humain en a conçu les idées secondes d'espace, de temps et de structure.

 

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La Joie, la Perfection, le Sublime, le Réel, etc … ne sont pas au bout du chemin ; ils sont le cheminement lui-même !

 

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D'Henri Bergson :

 

"La réalité nous est apparue comme un perpétuel devenir. Elle se fait ou elle se défait, mais elle n'est jamais quelque chose de fait."

 

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De Jacques Monod dans "Le hasard et la nécessité" :

 

"L'ancienne alliance est rompue ; l'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'univers où il a émergé par hasard."

 

Cette phrase, archi-connue, est la définition même de l'athéisme : solitude, indifférence, hasard …

Monod fait ainsi l'apologie du nihilisme et prône la désespérance absolue.

Mais il a tout faux !

 

  1. Le hasard est incapable de faire émerger de la complexité. Pas de hasard !
  2. L'univers est cohérent, mû par un principe de cohérence qui est une eidétique immanente et intentionnelle donnant sens au Tout et à tout ce qu'il contient. Pas d'indifférence !
  3. La Vie est partout et, avec la Matière et l'Esprit, est un des trois piliers fondamentaux du Réel. Pas de solitude !

 

Il est donc temps et urgent de renouer l'Alliance entre l'humain et le Divin, entre la partie infime et le Tout-Un.

Il faut redonner du sens à la vie en allant le puiser à la source de Vie !

 

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Les gesticulations intellectuelles de ceux qui tentent de donner les critères de différenciation entre vie et non-vie, sont vaines.

Tout dans le Réel est vivant, mais à des niveaux de complexité très différents.

Comme tout dans le Réel est "pensée-conscience" mais là encore à des degrés de complexité répartis sur une échelle extrêmement vaste !

 

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Le fait qu'il existe plein d'autres formes de vie sur plein d'autres planètes autour de plein d'autres étoiles, me paraît une évidence.

En revanche, je tiens pour presque nulle la probabilité d'entrer en contact avec elles : quelque signal que ce soit mettrait des années pour les atteindre (s'il y arrive) et d'autres années pour revenir (si réponse il peut y avoir).

 

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Tout ce qui existe, est unique et différent de tout le reste, même de ce qui lui est le plus semblable.

En revanche, des étant semblables sont, le plus souvent, engendré par un même processus.

 

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Toutes les feuilles d'un même chêne sont dissemblables – parfois très dissemblables – mais elles manifestent toutes un seul et même processus qui, au fond, est le chêne lui-même.

 

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Ce ne sont pas les vivants qu'il faut connaître et comprendre, mais la Vie même en tant que processus unique qui assume toute la dynamique du Réel … tout comme la Matière et l'Esprit en assument, respectivement, la topologie et l'eidétique.

 

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Il est urgent que les humains se mettent au service de la Matière, de la Vie et de l'Esprit.

Il faut remettre les choses à l'endroit (le produit au service du projet) : établir un cosmocentrisme et abolir tout anthropocentrisme.

Le panenthéisme doit en être la composante spirituelle.

 

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Pour qu'une automobile soit utile, il faut trois choses : une carcasse matérielle, un moteur dynamique et un chauffeur intelligent.

Tout voyage est un processus qui nécessite un volet topologique (la carcasse), un volet dynamique (le moteur) et un volet eidétique (le conducteur)

 

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En rejetant l'intuition, c'est-à-dire la capacité d'un esprit humain d'entrer en reliance et en résonance avec l'Esprit cosmique (le premier n'étant, en fait, qu'une manifestation locale et partielle du second), Immanuel Kant a entériné la sécession radicale entre le sujet et l'objet, et a forcé un irréfragable relativisme de toute connaissance.

Henri Bergson a eu raison de la souligner et à rejeter, pour cela, l'ensemble du kantisme.

Le dualisme phénoménologique de Kant passe à côté du monisme absolu du Réel, sujet et objet confondus.

 

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Ni causalisme (le présent est totalement déterminé par le passé), ni finalisme (le présent est entièrement déterminé par un but précis à atteindre).

Ces deux doctrines mécanicistes sont incompatibles avec la réalité du Réel.

Seul l'intentionnalisme lui est compatible : le présent est tout entier habité par une intention d'accomplissement qui tend à dissiper, le mieux possible, les tensions destructives, en faisant émerger des configurations topologiques, dynamiques et eidétiques, qui vont continuer à évoluer dans le champ des contraintes engendrés par toutes les autres configurations du Réel.

 

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Le Réel est en train de se construire !

 

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D'Anne Fagot-Largeault :

 

"Ainsi, d'après Bergson, le passé n'est pas perdu. La durée bergsonienne est mémoire, les vivants cumule les acquis su passé avec la conscience du présent."

 

C'est bien ma thèse depuis longtemps (et j'ignorais que Bergson eut la même) : le processus cosmique est accumulatif et le passé demeure intact et complet "sous" le présent puisqu'il est, en quelque sorte, la substance première et le "support" du présent, comme le bois lignifié de l'arbre est la substance et le support du cambium (le présent vivant) de cet arbre.

 

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De Xavier Bichat :

 

"La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort."

 

En termes physiciens : la vie est une puissante organisation néguentropique qui s'oppose à la pression dilutive de l'entropie.

Cette puissance finit toujours par s'user et l'entropie finit toujours par triompher : c'est cela la maladie, la vieillesse et la mort.

 

Et Claude Bernard de confirmer, avec ses mots :

 

"Il y a nécessairement dans l'être vivant deux ordres de phénomènes :

  1. les phénomènes de création vitale ou de synthèse organisatrice,
  2. les phénomènes de mort ou de destruction organique.

(…) Chez une être vivant, tout se crée morphologiquement, s'organise, et tout meurt, se détruit … "

 

Comment décrire mieux la dialectique permanente entre "entropie" (l'uniformité statique) et "néguentropie" (la complexité dynamique) ?

 

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Il faut absolument sortir des vieilles catégories métaphysiques insensées que sont "l'Être" et "le non-Être". Les apories permanentes entre ces deux catégories sont purement artificielles et factices.

Tout ce qui existe est en Devenir et le Tout de ce qui existe est éternel.

Tout y est transformation c'est-à-dire évolution dynamique de manifestations locales et éphémères dénuées de tout "être".

Rien de ce qui existe, n'est !

Être, c'est détenir une essence immuable à soi, en soi, par soi et pour soi, ce qui n'est le cas de rien.

Il n'y a aucune ontologie envisageable : il n'y a que de la généalogie à tous les étages.

 

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Puisque le règle universelle est celle de la dissipation optimale des surtensions, un nœud de surtensions au sein d'un processus est déjà une émergence "en puissance" (pour reprendre la terminologie d'Aristote), mais la forme de cette émergence est encore indéterminée puisqu'il y a souvent plusieurs voies possibles ; dès qu'elle aura commencé de prendre une de ces formes pour la réaliser, elle deviendra une émergence "en acte" (toujours dans la même terminologie).

Il n'y a là aucun passage du "non-Être" à "l'Être" ; il n'y a là qu'une transformation émergentielle dans le cadre d'un seul et même processus tel qu'il existe et devient continuellement en produisant des "pseudopodes" arborescents formant généalogie.

 

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Moins on voit les détails, plus on croit que les phénomènes sont stables, réguliers, statiques ou immuables.

La vision du ciel d'Aristote s'est effondrée dès lors que la puissance des télescopes a permis de "voir" les montagnes de la lune, les ellipses planétaires, les éruptions chromosphériques solaires, les fusions stellaires, les galaxies spirales, les nébuleuses, etc …

"Le diable est dans les détails" !

 

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Le sens de nos existences humaines est d'enrichir le processus cosmique par ces œuvres nôtres dans lesquelles nous nous accomplissons.

 

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D'Alfred North Whitehead :

 

"Le futur est immanent dans le présent."

 

Il y est "en puissance" … mais il est pluriel, non déterminé, susceptible de plusieurs chemins

Chaque configuration locale est, si elle est suffisamment complexe, grosse de de plusieurs combinaisons de développements eidétiques (entropie et néguentropie), dynamiques (énergie et inertie) et topologiques (volume et surface).

Sauf au niveau mécanique élémentaire qui est déterministe, le futur est de moins en moins "écrit", plus on monte dans l'échelle des complexité.

 

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C'est parce que le Réel possède trois domaines de développement (topologique, dynamique et eidétique) que sa complexification non déterministe est possible (c'est une application particulière du célèbre théorème de David Ruelle).

S'il n'en possédait que deux (ce qu'a cru longtemps la physique classique avec l'espace topologique et le temps dynamique), le Réel serait condamné à n'être qu'une "machine" déterministe faite de "briques élémentaires" interagissant par des "forces élémentaires", selon des "lois élémentaires".

Toute complexification (et les grands sauts de la Matière à la Vie et de la Vie à l'Esprit) y aurait été impossible.

 

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Un processus particulier ne surgit jamais et de disparaît jamais : la naissance et la mort n'existent pas.

Tout processus procède de tous les autres processus : ceux qui l'engendrent, ceux qui interfèrent avec lui, et ceux qu'il a enclenchés, le tout au sein du "grand processus cosmique" qui est le Tout du Réel.

Un processus n'est qu'un motif noyé dans une vaste tapisserie en cours de réalisation, indissociable et indiscernable de ladite tapisserie vivante.

Aucun de ces motifs apparents n'a d'identité réelle qui lui soit propre ; ces "identités apparentes" que l'humain perçoit (là un rossignol, là un chat, là un chêne, là une jolie fillette sur une escarpolette, etc …) ne sont que des illusions. Ces illusions sont certes pratiques pour décrire la tapisserie, mais elles n'ont aucune réalité propre : ce ne sont pas des "êtres", mais seulement des manifestations.

 

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La Matière (de l'encombrement concentré) est l'expression topologique du Processus cosmique.

La Vie (de l'activité concentrée) est l'expression dynamique du Processus cosmique.

L'Esprit (le la complexité concentrée) est l'expression eidétique du Processus cosmique.

La Matière, la Vie et l'Esprit cosmiques se manifestent en toute chose, en tout lieu, à tout moment, mais avec des "dosages" très différents : la prédominance de l'un fait oublier la présence des autres.

 

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La révolution processuelle implique le rejet radical de toute méthode analytique : rien n'est un assemblage de parties discernables et séparées.

Il faut définitivement renoncer à la méthode cartésienne et, plus généralement, à toutes les formes d'atomisme : il n'existe, nulle part, de "briques élémentaires immuables".

 

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Les possibles, c'est ce qui reste quand on a éliminé tout ce qui est impossible.

Et ce qui est impossible, c'est l'ensemble de tout ce qui est incompatible avec les configurations du présent, c’est-à-dire toute évolution qui induirait un surcroît de tensions. Les possibles, alors, ce sont les diverses solutions de l'équation d'optimalité en termes de dissipation des surtensions présentes dans la configuration étudiée.

 

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Ce que l'humain appelle morale, c'est-à-dire, distinction du "Bien" et du "Mal" et promotion du "Bien" conte le "Mal", n'est que l'expression, au sein d'un processus à large prédominance néguentropique, de l'antagonisme irréductible avec les puissances entropiques : le Bien, c'est la néguentropie (la construction, l'ordre, la créativité, le fondement eidétique) … mais qui doit rester harmonieuse et raisonnable sinon on sombre dans la "démesure" grecque … et le Mal, c'est l'entropie qui uniformise, désordonne, détruit, dégrade et tue … mais qui joue un rôle de régulateur contre les délires.

 

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Ce que l'humain appelle morale, c'est-à-dire, distinction du "Bien" et du "Mal", et promotion du "Bien" contre le "Mal", n'est que l'expression, au sein d'un processus à large prédominance néguentropique, de l'antagonisme irréductible avec les puissances entropiques : le Bien, c'est la néguentropie (la construction, l'ordre, la créativité, le fondement eidétique) … mais qui doit rester harmonieuse et raisonnable sinon on sombre dans la "démesure" au sens grec (hybris) … et le Mal, c'est l'entropie qui uniformise, désordonne, détruit, dégrade et tue … mais qui joue aussi un rôle de régulateur contre les délires.

Au fond, la morale n'est pas la lutte du Bien contre le Mal ; elle est plutôt l'optimisation entre la constructivité sans démesure et la dissolution sans violence.

Le Mal, alors, de réduit à la démesure à la violence.

Et le Bien à l'harmonie et l'optimalité.

 

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La notion d'identité n'est jamais liée à un "être" ou à une "chose" mais au processus dont cet "être" ou cette "chose" n'est que l'état instantané (la "coupe temporelle" au sens de Poincaré).

"Je" n'est pas un "moi".

"Je" n'est que le nom artificiel et conventionnel donné à ce processus singulier apparent (mais non distinct du Tout-Un) qui peut dire : "Je" manifeste de la pensée donc "Je" manifeste du Devenir.

 

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Les six principes universels …

 

Le principe de cohérence implique l'uniformité, la régularité et la solidarité des modalités d'évolution, partout, de la même manière ; c'est un principe entropique.

Le principe d'émergence implique, lui, tout au contraire, que la présence d'un nœud de surtensions soit l'occasion d'une émersion singulière : c'est un principe néguentropique.

 

Le principe d'intégration implique la prééminence de l'interfaçage, c'est-à-dire de la surface d'échange du système avec son milieu ; c'est un principe fractal.

Le principe d'individuation implique la prééminence de la fermeture, c'est-à-dire du repli volumique sur soi du système par rapport à son milieu : c'est un principe sphéroïdal.

 

Le principe d'accumulation implique une stratégie temporelle patrimoniale, mémorielle et conservatrice, conservateur d'énergie : c'est un principe inertiel.

Le principe d'accomplissement implique une stratégie temporelle d'activité, de transformation, de progression, consommateur d'énergie : c'est un principe évolutionnel.

 

 

Eidétique

Topologique

Dynamique

Féminin

Cohérence

Intégration

Accumulation

Masculin

Emergence

Individuation

Accomplissement

 

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Toute théorie, physique ou pas, n'est applicable valablement et fiablement qu'à l'intérieur d'un certain intervalle de certaines grandeurs. Hors de ces limites, la théorie en question n'est plus applicable … et il faut alors inventer ou recourir à une autre théorie plus large (et plus abstraite) dont la première devient un cas particulier.

Ainsi, la théorie des processus complexes englobe et dépasse largement les théories mécanistes classique (newtonienne, relativiste ou quantique) et les théories thermodynamiques classiques (ignorant la néguentropie).

 

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En physique, ce que l'on appelle un "champ" est, en fait, le champ d'influence qu'exerce un objet dont les caractéristiques (une charge) peuvent interférer avec ce champ.

 

Il existe deux champs de forces :

 

  • le champ gravitationnel entre objets possédant une charge massique (toujours monopolaire : toute masse attire toute autre masse ; toujours statique : l'influence gravifique ne dépend pas des vitesses).
  • Le champ électromagnétique entre objets possédant une charge électrique (toujours bipolaire : le positif attire le négatif, mais repousse le positif ; toujours dynamique : une charge en mouvement est doublement influencée, d'abord parce que "charge" – effet électrique – et ensuite parce que "en mouvement" – effet magnétique).

 

Les autres interactions physiques (nucléaires faible et forte) sont des interactions de contact et non des interactions de champ "à distance".

 

Il est évident que cette notion "d'influence à distance" est une convention pratico-pratique utile mais une absurdité théorique (Newton lui-même l'avait déjà souligné).

La relativité générale d'Einstein lève ce paradoxe pour l'influence entre charges massiques.

Le mystère reste entier pour les influences statiques et dynamiques entre charges électriques.

 

Plus généralement …

Les interactions gravitationnelles sont purement topologiques (donc massiques).

Les interactions électrofaibles sont purement dynamiques (donc processuelles).

Les interactions nucléaires sont purement eidétiques (donc néguentropiques).

 

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La gravitation rapproche topologiquement les systèmes (les protéus originaires).

Arrivés à proximité les uns des autres, ils interagissent électromagnétiquement (pour former des molécules et cristaux) par des interactions dynamiques de partages d'orbites des électrons périphériques.

Arrivés au contact les uns contre les autres (tant la pression gravifique est énorme, par exemple dans le cœur des étoiles), il interagissent nucléairement (nucléosynthèse) par des interactions eidétiques de construction de nouveaux systèmes inédits et émergents (des atomes lourds).

 

Ce même processus fonctionne également dans l'autre sens …

Des protéus émergent du magma bosonique prématériel ; ils sont au contact les uns des autres et interagissent eidétiquement pour former des atomes de plus en plus lourds.

En refroidissant, ces atomes peuvent interagir électromagnétiquement en partageant les orbites dynamiques de leurs électrons périphériques et former des molécules et des atomes.

En se refroidissant encore, ces molécules peuvent s'associer en colonies dont certaines atteignent une certaine autonomie …. jusqu'à former des cellules procaryotes.

Et ainsi de suite …

 

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Les actuelles théories cosmologiques sont dans l'impasse parce qu'elles restreignent l'espace des représentations aux seuls domaines topologique ("l'espace") et dynamique ("le temps") et omettent complètement le domaine eidétique (celui de organisation mêlant entropie et néguentropie).

Cette omission est dramatique parce que l'eidétique n'étant de l'ordre ni du topologique, ni du dynamique, les contraintes de conservativité énergétique ou de vitesse lumineuse ne s'y appliquent pas (l'intrication, par exemple, y devient triviale).

Pour comprendre la complexification processuelle de l'univers, le théorème de David Ruelle impose une tripolarité : topologique, dynamique et eidétique. Que l'un de ces trois pôles soit négligé et tout devient bancal et opaque.

 

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Le big-bang n'a jamais eu lieu. C'est une pure extrapolation mathématique à partir d'équations approximatives (celles de la relativité générale) dans un espace des représentations trop rudimentaire (espace et temps, sans plus).

En revanche, ce que l'on appelle "big-bang" correspond probablement à l'émergence de la Matière (les protéus, siège de phénomènes dit "électromagnétiques" puisque se dégradant en un duo proton-électron, donc de lumière) à partir d'un substrat prématériel bosonique et opaque (la "matière noire").

 

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Le problème de la cosmologie physique, aujourd'hui, n'est plus équationnel, mais bien plus profondément conceptuel.

Les équations ne font que traduire une structure conceptuelle.

Comme j'aime à le croire et à le répéter : il n'y a jamais de physique sans métaphysique préalable.

Au topologique (l'espace géométrique) et au dynamique (la durée), il faut adjoindre l'eidétique (la forme) et le téléologique (l'intention). Sans cela, la science restera dans l'impasse actuelle et dans des bidouillages théoriques et mathématiques stériles (ce qui est également le lot funeste du "modèle standard des particules" qui n'est qu'un assemblage baroque de conjectures surréalistes).

 

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Il n'y a aucune réalité objectale et l'immuabilité apparente de certains objets est pure illusion ou approximation.

Il n'y a pas d'êtres. Il n'y a pas d'Être.

Il n'y a que du Devenir.

S'il faut chercher de la récurrence, de la régularité, de la stabilité, voire de l'intemporalité, c'est du côté de la logicité des processus qu'il faut chercher, du côté du Nomos universel, du côté de la matrice méthodologique qui permet de comprendre et de prédire les évolutions probables des processus en cours, étant donnés, du point de vue externe,  leur axiologie ambiante, leur écosystémie environnementale, leur généalogie accumulée et leur téléologie possible, et étant donnés, du point de vue interne, leurs puissances d'accomplissement et d'accumulation, de cohérence et d'émergence, d'individuation et d'intégration et le principe d'optimisation qui les pilote.

 

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La plupart des "honnêtes gens" admettent sans problème que toutes les espèces animales (les races bovines ou porcines) l et végétales (les variétés de blés, de tomates ou de maïs) évoluent, se transforment, s'adaptent, se spécialisent, s'améliorent ou dégénèrent, aujourd'hui encore, sous nos yeux (et l'agronomie nous en donne preuves quotidiennes) … mais ces mêmes "honnêtes gens" rejettent totalement ce fait patent dès qu'il s'agit des évolutions actuelles de l'espèce humaine et de ses races.

Les races humaines existent, dérivées de croisements différents entre différents hominidés antérieurs (africaniensis, neanderthalensis, heidelbergensis, luzonensis, floresiensis, denisovensis, etc …).

Les races humaines sont cousines. Elles évoluent donc différemment selon leurs milieux eux-mêmes évolutifs, pour le meilleur et pour le pire.

Ces évolutions sont, à la fois, génétiques (biologiques) et épigénétiques (culturelles). Certaines sont convergentes entre races (affirmées par les mouvances humanistes), certaines sont divergentes entre races (affirmées par les mouvances "woke"). Certaines sont positives et amélioratives, d'autres sont négatives et dégénératives.

Nier ces faits évidents, au nom de l'antiracisme, est une aberration !

 

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De François Jacob :

 

"La sélection naturelle opère non à la manière d'un ingénieur, mais d'un bricoleur; un bricoleur qui ne sait pas encore ce qu'il va produire, mais récupère tout ce qui lui tombe sous la main (…) pouvant éventuellement lui fournir des matériaux ; bref, un bricoleur qui profite de ce qu'il trouve autour de lui pour en tirer quelque objet utilisable."

 

C'est précisément cela le constructivisme processuel : faire ce qu'on peut avec ce que l'on possède ou trouve.

 

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L'évolutionnisme (et l'idée concomitante de complexification et de diversification) est une idée de Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829), émise en 1809 et reprise par Charles Darwin (1809-1882).

Elle est, sans doute, l'idée la plus révolutionnaire de l'histoire de la pensée occidentale qui, hors Héraclite "le relégué", a largement opté, pendant deux millénaires, pour une métaphysique de l'Être contre la métaphysique du Devenir.

 

A la suite de l'évolutionnisme biologique, vint l'évolutionnisme géologique (la tectonique des plaques d'Alfred Wegener en 1912 ), avant l'évolutionnisme universel de la relativité générale (Albert Einstein, Alexander Friedmann et Georges Lemaître entre 1922 et 1926).

Bref, l'évolutionnisme de la Vie précéda l'évolutionnisme de la Matière.

Reste donc à poser l'évolutionnisme de l'Esprit c'est-à-dire l'évolution du Nomos.

 

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Tout est évolution.

Donc tout est généalogie.

Or il ne peut y avoir de généalogie sans téléologie.

Donc tout est intention.

 

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L'immanence d'un Nomos universel qui guide les évolutions de tout ce qui existe (y compris l'humain), n'implique nullement un déterminisme général du type laplacien. Dès que l'on monte en complexité, le nombre des degrés de liberté s'accroît et le déterminisme s'atténue (sans jamais disparaître : le nombre des possibles augmente, mais tout ne devient jamais possible ; il reste des impossibles en grand nombre).

 

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Deux changements opposés induisent la permanence.

Deux permanences opposées induisent le changement.

Il y a, entre ces deux, non pas opposition ou contradiction, mais bipolarité dialectique.

 

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La notion de contingence doit être réintroduite en science.

 

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La notion de contingence doit être réintroduite en science.

Emile Boutroux disait :

 

La marche des choses peut être comparée à la navigation."

 

Et Anne Fagot-Largeault d'expliciter :

 

"Le navigateur tient compte de l'état de la mer, mais il ne se laisse pas conduire par la mer, il va où il veut aller [ou là où il peut aller]."

 

C'est précisément cela le constructivisme : pour construire quelque chose de durable, il faut respecter les lois de la science (gravitation, résistance des matériaux, composition du mortier, etc …), mais on ne construit qu'avec ce que l'on trouve, du mieux que l'on peut, en fonction de l'intention que l'on s'est forgée, des savoir-faire que l'on maîtrise plus ou moins, de l'intelligence des choses que l'on possède et des circonstances qui se présentent.

Ni causalisme, ni finalisme. Ni déterminisme, ni anarchisme. Ni hasardisme, ni rigorisme.

 

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Les lois de la physique ne sont pas autre chose que les bonnes habitudes que le Réel a appris à appliquer parce qu'elles "marchent" mieux que les autres tentatives avortées et vite oubliées.

Au début de l'émergence de la Matière (protéique) à partir de l'activité bosonique prématérielle, il n'y avait pas encore de "lois" de la nature (matérielle).

Au début de l'émergence de la Vie (procaryote) à partir de l'activité lipidique pré-vitale, il n'y avait pas encore de "lois" de la nature (biologique).

Au début de l'émergence de l'Esprit (mnésique) à partir de l'activité anticipatrice préconsciente, il n'y avait pas encore de "lois" de la nature (noologique).

A chaque grand saut de complexité, de nouvelles "lois" émergent peu à peu, de plus en plus contingentes du fait des niveaux supérieurs atteints de complexité.

 

 

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Il est ridicule d'extrapoler les lois cosmologiques actuelles (la relativité générale) vers le lointain passé (les "premiers instants de l'univers après le big-bang" comme le voulait ce fumiste de Stephen Hawkins) alors que lesdites "lois" n'existaient pas encore. Il n'y a jamais eu de big-bang. Il n'y a jamais eu de "singularité de l'instant zéro".

Tout cela n'est qu'extrapolation et conjecture asymptotique d'une théorie poussée largement au-delà de ses propres limites.

L'émergence de la Matière (comme celle de la Vie et de l'Esprit) furent totalement chaotique, donc non réductibles à quelque loi que ce soit qui ne pouvait pas encore exister à ce moment-là.

Le paradigme de la relativité générale ne s'est mis en place et ne s'est stabilisé, dans le Réel, qu'une fois dépassée la phase chaotique de l'émergence de la Matière : une phase de grands tumultes truffées d'essais et erreurs, sans lois établies, règne de la contingence.

 

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Plus un processus est complexe, plus il est contingent.

 

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L'intention précède toutes les lois !

Les lois explicitent et déclinent l'intention.

 

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Dieu n'a pas créé le monde !

Dieu construit le monde, en lui, avec l'aide de tout ce qui existe, comme il le peut.

 

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Le Devenir, c'est l'actualisation d'un possible parmi d'autres.

Pourquoi celui-là ? Parce qu'il correspond mieux à l'optimum dans cette configuration-là qui intègre tant les contraintes extérieures du milieu que les puissances intérieures du processus.

La liberté (l'autonomie relative, plutôt) d'un processus revient à transformer la structure des contraintes externes et/ou des puissances internes de façon à changer le point d'optimalité et, ainsi, à faire s'actualiser un autre possible.

 

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La Science tente de comprendre la Nature telle qu'elle devient en elle-même.

La Technique tente d'actualiser des possibles que la Nature a dédaignés.

La question philosophique est : pourquoi la Nature a-t-elle dédaigné ces possibles-là ?

Parce qu'ils sont nocifs ? Parce qu'ils sont inutiles ? Parce qu'elle n'en a pas eu l'opportunité ?

 

Marc Halévy - Juin 2021