Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Les progrès de l'algorithmie.

Algorithmie : le jeu des langages et de la puissance de calcul ...

Du Neue Zürcher Zeitung (article écrit par Nils Althaus et Mirko Bischofberger, et traduit et transmis par mon ami Jak) :

 

"En octobre dernier, Demis Hassabis a reçu un appel de Stockholm qui allait changer sa vie. À seulement 48 ans, il apprit qu’il recevrait, avec John Jumper et David Baker, le prix Nobel de chimie. Et pourtant, Hassabis n’avait jamais mis les pieds dans un laboratoire de chimie.

Ce développeur logiciel avait résolu l’une des plus grandes énigmes de la biologie grâce à Alphafold, un programme d’IA : le repliement des protéines. Ces éléments fondamentaux de la vie naissent sous forme de fils et n’acquièrent leur fonction qu’une fois repliés en une structure tridimensionnelle. Les lois qui régissent ce processus faisaient l’objet de spéculations depuis des décennies.

L’attribution du prix Nobel pour le décryptage du repliement des protéines n’est qu’un exemple de la manière dont l’IA repousse les frontières de notre compréhension et nous rend accessibles de nouvelles langues. Et il ne s’agit pas seulement de mots écrits comme dans le cas de ChatGPT.

La nature parle en de nombreuses langues : la biologie utilise comme vocabulaire les briques de l’ADN et des protéines ; la chimie décrit les liaisons entre les éléments ; les mathématiques fournissent un cadre formel pour décrire les lois physiques. Les cartes, quant à elles, condensent la géographie en graphiques et symboles. C’est à partir de jeux de données issus de ces domaines – et de bien d’autres – que l’IA est aujourd’hui entraînée, découvrant sans cesse de nouveaux motifs jusqu’alors inconnus."

 

En fait, un algorithme dit d'IA manipule des structures (règles architecturales) et des processus (modalités de construction) exprimée par et dans n'importe quel langage (langues vernaculaires, ADN, liaisons chimiques, mathématiques tant géométriques qu'algébriques, cartes géographiques, ...) ... à la condition que ledit algorithme ait été "nourri" des règles d'usage propres à ce langage et d'une grande quantité de contenus, vérifiés et véridiques, exprimés dans ce langage.

Sa puissance devient telle, aujourd'hui, que moyennant ces conditions, il devient capable, moyennant de grosse puissance de calcul, de construire et de tester des structures et des processus engendrés par lui, mais totalement originales quant à la culture et la connaissance humaines.

 

Mais il ne faut jamais oublier trois choses.

La première est le célèbre "garbage in, garbage out" : si on "nourrit" l'algorithme avec des données ou des modèles ou des éléments faux, il ne produira que des aberrations.

La deuxième : les puissances de calcul impliquées dans l'élaboration de ces nouveaux modèles potentiels seront d'autant plus énormes (et bien plus grandes que celle d'un cerveau humain) que le langage en question est sophistiqué et que les problématiques montent en complexité.

La troisième : tout algorithme est une production de la pensée humaine et reproduit donc, à des échelles variables, les logiques de cette pensée, même si l'on passe au deuxième degré avec des algorithmes qui créent des algorithmes ... le point de départ est toujours humain, donc fragile !

 

Et l'article se poursuit :

 

"L’essor de l’IA peut être comparé à la mise au point d’un puissant télescope qui nous permet de scruter plus profondément la nature. Tout ce qui peut être converti en données est offert aux machines. L’IA ne se limite donc pas à produire de jolies images ou de belles phrases : elle donne aux chercheurs une nouvelle paire de lunettes pour voir des réalités jusqu’alors invisibles. Elle transforme la science dans ses processus les plus fondamentaux — bien au-delà des bureaux des employés."

 

La comparaison est excellente et remet la réalité fondamentale au centre du débat.

 

L'algorithmie est un jeu quintuple entre :

 

  1. Un langage analytique (vocabulaire) et réglé (grammaire),
  2. Des contenus véridiques exprimés dans ce langage,
  3. Une énorme puissance de calcul,
  4. Une logique combinatoire précise mais ouverte,
  5. des instruments de vérification des nouveaux contenus produits.

 

*