Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Défiance et complotisme

Moins de 15% de la population comprennent ce qui se passe ; le reste délire.

Le paradigme moderne s'effondre (cela a commencé en 1914) et la chaotisation induite par cet effondrement s'amplifie, permettant et suscitant, ainsi, l'émergence d'un nouveau paradigme.

Les institutions de pouvoir qui régulaient la Modernité depuis la Renaissance (l'Etat, la Banque, la Bourse, le Patronat, le Syndicat, la Presse et l'Université) ne sont plus capables d'affronter cette chaotisation et d'assurer la pérennité du paradigme qui les avait mises en selle. Nous vivons une réelle carence régulatoire née de l'obsolescence des anciennes institutions de pouvoir censées assurer la pérennité d'une Modernité qui n'existe déjà plus,

 

Quant au nouveau paradigme, il n'est pas encore assez "installé" pour pouvoir mettre en place ses propres institutions de pouvoir (qui, dans toutes leurs dimensions, seront totalement différentes de celles que nous connaissons encore).

 

Cette carence régulatoire induit, surtout parmi les masses (incapables de comprendre la mutation paradigmatique en cours et l'inéluctable chaotisation qui s'ensuit), une légitime défiance profonde vis-à-vis des actuelles institutions de pouvoir.

Ces gens voient bien, quoique confusément, que ces institutions sont incapables de faire face à la chaotisation (les réactions abracadabrantesques et grand-guignolesques face à la pandémie en est la triste démonstration dans tous les pays, malgré la disparité des dispositions prises).

 

Cette défiance populaire prend de nombreuses formes qui vont du rejet populiste et illibéral du libéralisme démocratique, aux théories du complot les plus délirantes, en passant par toutes les formes les plus abjectes de rétro-activisme et de radicalisation.

 

Et, comme souvent, ce qui n'était qu'une défiance, vire à la suspicion systématique instaurant, insidieusement, une forme collective de paranoïa délétère.

Il est évidemment bien plus facile de croire (ou de faire croire) une fable simpliste, mais spectaculaire, que d'analyser scrupuleusement des faits auxquels les masses ne comprennent rien. Qui a cet intérêt de "croire" ? Tous ceux qui se sentent inquiets, voire anxieux, face à la chaotisation et qui ne disposent pas des facultés intellectuelles nécessaires au décryptage de la réalité. Qui a intérêt à "faire croire" ? Tous ceux qui voudraient profiter de cette vulnérabilité des masses pour leur vendre quelque chose : le remède-miracle, l'idéologie-miracle, le bouc-émissaire-miracle, la technologie-miracle, la solution-miracle, le messie-miracle, …

 

Et c'est évidemment contre cette tentation de la croyance au miracle, que les institutions de pouvoir s'enferment dans l'exacerbation du principe de précaution : elles se veulent irréprochables, veulent échapper à tous les éventuels procès de "non assistance à peuple en danger" et ne veulent plus prendre aucun risque … ce qui confortent, par retour, la défiance et la suspicion à leur égard. Cercle vicieux !

Le tout dans un climat exécrable d'émotion reptilienne et d'émotivité maladive … sur fond de réseaux sociaux vénimeux.

 

Le problème de fond est l'imbécilité ! La grande majorité n'est plus capable de comprendre la réalité et elle s'invente – ou se laisse conter – des débilités simplistes. La démocratie ne peut fonctionner qu'aux deux conditions que l'électeur comprenne les enjeux réels de son vote, et que l'élu assume pleinement les pouvoirs qui lui sont confiés.

Aucune de ces deux conditions n'est plus satisfaite aujourd'hui ; dès lors, le champ est libre pour que des factions nauséabondes fassent régner, partout, qui la terreur, qui la violence, qui le mensonge, qui la manipulation.

 

Marc Halévy

Physicien, philosophe et prospectiviste

Le 25/10/2020