Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

L'âme ou bien personnelle ou bien immortelle

L'immortalité d'une âme personnelle est une fable métaphysique qui ne tient pas.

L'âme est ce qui anime, c'est-à-dire, pour un être humain, ce qui active son existence à la poursuite d'une vocation intime ; l'âme est d'ailleurs, souvent, synonyme de cette vocation profonde, de cet élan vital et spirituel qui fait sortir la personne de la léthargie subissante pour entrer dans la puissance agissante.

L'âme est donc bien personnelle dans sa réalité vécue, même si son principe est universel - et pas seulement réservé aux humains : tout ce qui vit, poursuit une intention de Vie.

Mais puisque la personne n'est qu'un processus perpétuellement changeant, n'ayant rien d'absolument permanent et participant d'un phylum impersonnel, cette âme personnelle est partie intégrante de la personne et suit tous ses méandres existentiels, par variations successives de la vocation intime qui l'anime. Cette personne étant morte, elle n'a plus aucune vocation et son âme est donc morte avec lui. L'âme personnelle n'est donc pas immortelle et ne peut l'être (ce qui est bien le fait de la tradition juive qui prête à chaque personne une Nishamah mortelle qui symbolise sa personnalité et sa vocation profonde, tout au fil de sa vie).

En revanche, si l'on élargit la notion d'âme au Réel pris comme un tout, alors apparaît l'idée d'Âme cosmique, impersonnelle et aussi peu mortelle que le Réel lui-même.

A bon droit, on peut supposer que le Réel et son Âme sont des réalités immortelles (encore une fois, la tradition juive parle alors de Néphèsh - l'Âme de Vie - et de Roua'h - l'Âme cosmique - qui, toutes deux, sont évidemment immortelles).

A bon droit, toujours, il est facile de considérer l'âme mortelle personnelle comme une manifestation locale et provisoire de l'Âme cosmique, impersonnelle et immortelle (cette idée renvoie bien sûr aux concepts de métempsychose, de réincarnation et de transmigration véhiculés par les traditions pythagoricienne ou védique, par exemple).

En synthèse : ou bien l'âme est personnelle et elle ne peut être immortelle, ou bien l'âme est immortelle et elle ne peut être personnelle.

Mais la croyance en l'existence d'une âme personnelle et immortelle (c'est le cas seulement pour le christianisme et pour l'islamisme, et le comportement ignoble de ces deux religions dans l'histoire des hommes n'y est pas étranger) induit une déconnexion radicale de cette personne d'avec l'Unité cosmique : son âme, aux yeux de ces religions, ne participe pas de cette unité cosmique, étant d'une autre "nature" et menant une existence soumise à une autre logique que tout le reste qui existe là : l'existence de cette âme personnelle immortelle met la personne en question au ban de la réalité cosmique.

Cette thèse est dramatique, non seulement parce qu'elle est absurde et fausse, mais surtout par ceci que ceux qui y croient, se sentent étrangers au monde et se proclament "d'un autre monde" défini comme supérieur. Ils se donnent d'ailleurs, entre autres missions, celle de "sauver  les autres âmes", réputées "aveugles et ignorantes" de leur réalité, soit en les convertissant, soit en les trucidant au nom de la "guerre sainte".

Ils s'en autorisent aussi pour autoproclamer leur propre supériorité, leur inaliénable dignité absolue (quoi qu'ils commentent comme atrocités) et leur droit irréfragable à dominer et exploiter, à saccager et piller, toute la Nature environnante puisqu'ils sont d'une "autre nature".

Pour ces croyants schizophrènes, la vraie vie est celle du "monde d'ailleurs et de l'au-delà" dont participe leur âme personnelle immortelle - mais non ce maudit corps matériel qui lui est prison et aliénation - ; ce monde-ci n'est qu'une immonde étape provisoire, sans intérêt ni importance.

On peut se demander, alors, ce qui a bien pu prendre à ce Dieu de l'autre monde, d'envoyer ses collections d'âmes pures se faire bousiller dans ce monde-ci dont la nauséabonde impureté et l'ignoble imperfection ne sont plus à démontrer.

Marc HALEVY, septembre 2017.