Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Trois catégories de vérité

Sortir des systèmes binaires et oser le ternaire …Spinoza distinguait trois grandes catégories de "vérité". Il faut les réactualiser.
Il y a les vérités de conception ou de définition, comme : "1+1=2" (par définition de 2), ou comme : "Dieu est un mot et un concept, or ce concept et ce mot existent, donc Dieu existe". Les vérités de définition, mises en branle par des opérateurs logiques, permettent de construire des systèmes très vastes et très solides (comme les mathématiques). Tout ceci engendre une axiomatique.

Il y a les vérités de perception ou d'expérimentation, comme : "je vois le soleil briller dans le ciel bleu", ou comme : "l'eau bout à 100°C". Les vérités d'expérimentation, munies d'opérateurs de structuration comme l'équivalence, la comparaison, la récurrence, la corrélation, etc … permettent aussi de mettre en évidence de vastes systèmes empiriques. Tout ceci engendre une physique.

Il y a les vérités de transception ou d'intuition, qui surgissent et donnent une consistance, une cohérence et une cohésion globales, comme : "Tout est Un", ou comme : "L'évolution du Tout a un sens", ou comme le : "Deus sive Natura" de Spinoza, précisément. Un petit nombre de ces vérités d'intuition suffit généralement à engendrer une vision globale du monde. Tout ceci engendre une métaphysique.

 

La difficulté commence dès lors que l'on tente de relier ces systèmes entre eux pour en faire la synthèse.
 
La science antique et la science médiévale avaient, toutes deux, tenter d'établir un pont solide (manifesté par de très nombreuses écoles contradictoires entre elles) entre métaphysique et physique.
 
La science moderne, depuis Galilée, s'est rebellée contre ces enlisements métaphysiciens et a voulu établir un pont indubitable entre physique et axiomatique : la physique mathématique en découle.
 
Mais tous ces systèmes, toutes ces Weltanschauungen pêchent par leur binarité. Elles ne prennent en compte que deux des trois catégories de vérités.
 
Si l'on veut sortir des impasses et contradictions actuelles, il faudra bien accepter d'entrer dans des logiques ternaires. 

Procédons en trois étapes.

  1. La première étape consistera à construire et à continuer d'enrichir en permanence les trois systèmes axiomatique, physique et métaphysique.
  2. La seconde étape revient à comprendre que l'homme n'a pas accès au noumène, au réel en-soi, mais est condamné au phénomène, le réel pour-soi. Ainsi, s'il se contente du seul système physique, il n'aura aucun possibilité de validation (toute validation naît d'une comparaison, d'une confrontation à autre chose que soi, mais de même nature que soi). Il faut donc confronter le système physique et le système métaphysique qui sont deux représentations d'un même réel qui nous échappe, mais qui forgent leur représentation selon des voies radicalement étrangères l'une à l'autre (l'expérimentation sensitive et l'intuition résonante). Si ces deux représentations convergent bien, il est probable que l'on soit sur la bonne voie.
  3. Troisième étape : pour assurer au mieux cette validation (provisoire et relative), les systèmes axiomatiques peuvent intervenir pour formuler les deux représentations (selon un langage adéquat, ce qui n'est pas le plus simple) afin de "valider la validation" au moyen d'un principe de cohérence interne fourni par la nature même du système axiomatique.

On comprend mieux, alors, pourquoi la science actuelle est une impasse : elle cherche à organiser la validation du système physique par le seul système axiomatique qui en est incapable puisqu'il est totalement déconnecté du réel. En devenant axiomatique et en récusant toute métaphysique, le système physique a perdu tout contact avec le réel.

 

Marc Halévy

Le 28/12/2012