Tisserand de la compréhension du devenir
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Le boson de Higgs

L'actualité s'enflamme avec l'annonce d'une peut-être confirmation expérimentale de l'existence du boson de Higgs par le CERN à Genève dans le cadre du Large Hadron Collisioner (LHC). Eclaircissons …

Cette problématique relève du modèle standard quantique qui, avec le modèle standard cosmologique (la relativité générale, le big-bang, les trous noirs, la matière et l'énergie noires, l'univers en expansion, etc …), constitue un des piliers de la physique actuelle. Ces deux modèles sont truffés de contradictions internes, sont incompatibles entre eux et sont incapables de rendre compte, l'un comme l'autre, des phénomènes d'émergence, d'auto-organisation, d'autopoïèse, bref de tous les processus complexes dont je m'occupe.

Selon le modèle standard quantique, l'univers se révèle sous deux formes complémentaires : la matière et les champs. La matière est confinée spatialement et possède une masse alors qu'un champ est coextensif à tout l'univers et ne possède pas de masse. Selon le modèle quantique, toujours, tout ce qui existe est composé de quantons (que l'on appelle souvent, mais à tort, des "particules élémentaires" qui ne sont ni des "particules", ni "élémentaires"). La matière est composée de fermions (le proton et l'électron étant les deux seuls qui soient stables) et les champs sont composés de bosons.

Les bosons doivent avoir une masse au repos nulle et ne prenne masse que lancés à la vitesse de la lumière (c'est un des effets de la relativité restreinte).

Il existe quatre familles de champs de force. Il y a la force gravitationnelle qui fut formalisée pour la première fois par Isaac Newton, qui fait l'objet de la relativité générale d'Albert Einstein et qui n'entre pas dans le cadre du modèle standard quantique. Il y a la force électromagnétique qui fut formalisée par James Clerk Maxwell. Il y a encore les deux forces nucléaires : la première dite "forte" ou hadronique[1] qui agit entre protons et assure la cohésion des noyaux atomiques, et la seconde dite "faible" ou leptonique[2] qui permet, entre autres[3], à un proton et un électron de s'unir pour former un neutron (qui est une particule instable s'autodétruisant après un quart d'heure, environ).

C'est cette force leptonique qui est en cause avec le boson de Higgs. En effet, comme toutes les autres forces, la force nucléaire faible agit par échange de bosons (appelés, en cette occurrence, W+, W- et Z°) dont la théorie prévoit qu'ils doivent avoir une masse au repos nulle. Or, l'expérience semble montrer que tel ne serait pas le cas, ce qui est bien ennuyeux pour les tenants du modèle standard quantique car, si cette masse au repos non nulle est avérée, c'est tout l'édifice qui s'écroule.

Aussi, dès les années 1960, pour sauver le modèle, l'écossais Higgs - et, en parallèle et indépendamment, deux belges - ont émis l'hypothèse de l'existence d'un boson mystérieux, qui remplirait tout l'univers, mais qui ne se révèlerait à l'existence qu'en s'agglutinant à un autre quanton pour lui donner de la masse.

Ce boson mystérieux est le désormais  fameux boson de Higgs … qui permet de "sauver" - très provisoirement - le modèle standard quantique et de définir la masse autrement que comme une propriété intrinsèque des particules.

David Miller avait utilisé la métaphore du "cocktail" mondain : les invités anonymes sont les bosons de Higgs, il grouille dans le salon mais ne sont reconnus par personne ; mais que paraisse une star et ces pâles invités s'agglutinent à elle et l'empêche d'avancer comme elle le voudrait (les bosons de Higgs expliqueraient ainsi la masse d'inertie de tout).

Il faut être critique par rapport à cette "découverte" - qui est loin d'être confirmée et qui, même si elle l'était, n'invaliderait pas les remarques que je vais faire.

Première remarque : un accélérateur de particules vise à faire se percuter, à très haute énergie, deux flux denses de particules en espérant que, de ce heurt cataclysmique, sortiront des particules nouvelles (des débris des particules utilisées et brisées lors de la collision) que l'on pourra peut-être détecter malgré leur incroyablement faible durée de vie. Cette détection n'est jamais directe. Il faut avoir la chance que ces particules improbables heurtent à leur tour des "révélateurs" observables qu'elles détruiront et dont les traces pourront être analysées afin de reconstituer le "bon" scénario parmi le grand nombre des scénarii de désintégrations possibles. Retenons que la "preuve" de l'existence d'une telle particule est terriblement improbable, incroyablement indirecte et purement statistique. Notons aussi - c'est l'essentiel -, que cette "preuve" cherchée pour sauver le modèle standard quantique utilise, pour se construire, … ce même modèle standard quantique, ce qui, en logique, s'appelle une tautologie.

Deuxième remarque : imaginons une flaque d'eau et imaginons une théorie de la flaque d'eau qui prétende que cette flaque est constituée d'un nombre hallucinant de gouttelettes infimes mais dont les formes doivent correspondre à un modèle mathématique idéaliste qui induit une immense et compliquée taxologie des gouttelettes. Et imaginons que pour prouver cette théorie, on décide de jeter de plus en plus violemment, dans cette flaque, des cailloux de plus en plus gros, et que l'on étudie avec soin toutes les éclaboussures pour en décrire la forme et la vitesse, pendant leur très courte durée de vie. On comprend qu'il suffit de trouver les cailloux qu'il faut et la violence adéquate de jet, pour pouvoir trouver des gouttelettes d'éclaboussure qui auront les formes et vitesses requises par la théorie. Cela ne validera en rien la théorie. Peut-être faut-il revenir à la simplicité et appliquer le rasoir d'Occam afin d'aboutir à la conclusion que la théorie des gouttelettes est fausse, qu'il n'y a pas de gouttelettes dans la flaque et que toute les "preuves" de l'existence des gouttelettes sont purement fantasmatiques et tautologiques.

Marc Halévy, 7 juillet 2012


[1] Les hadrons sont les fermions "lourds" comme le proton ou le neutron.

[2] Les leptons sont les fermions "légers" comme l'électron ou le neutrino.

[3] En fait, plus précisément, la force leptonique est une force qui s'exerce entre fermions (électrons, quarks et neutrinos). Depuis le début, cette force faible pose de gros problèmes car, en somme, elle viole à peu près toutes les lois de conservation sur lequel la physique classique est fondée, ce qui n'est pas le cas pour les trois autres familles de champs.