Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Ruptures et propositions

Invitation au réalisme et à la réflexion. Car il n'y a aucune bonne nouvelle ni aucun optimisme si l'on croit que le système socioéconomique actuel pourra un jour se restaurer !

Je comprends parfaitement le souhait forcené d'apporter des bonnes nouvelles et de nourrir un bel optimisme dans nos contrées déprimées et dépressives. Mais il faut tout de même savoir qu'il ne peut y avoir aucune bonne nouvelle ni aucun optimisme si l'on croit que le système socioéconomique actuel (celui de la "courbe rouge", comme je l'appelle, celui de l'abondance matérielle et de l'humanisme béat) pourra un jour se restaurer. Les trente glorieuses ont été une parenthèse orgasmique dans l'histoire humaine (et seulement concentrée en Europe et aux USA grâce aux effets de la planche à billets américaine qui ont financé une "croissance" artificielle). Aujourd'hui, puisque rien d'essentiel ne change, et que les masses et leurs dirigeants font semblant de croire que tout le monde pourra continuer de vivre largement au-dessus de ses moyens, le scénario le plus probable est un effondrement de l'humanité dans le siècle qui vient.

Même si ce scénario catastrophe ne se réalise pas, il faudra bien un jour sortir de la béatitude et voir les choses avec lucidité : la baisse généralisée des pouvoirs d'achat, la raréfaction généralisée des ressources naturelles, la prolifération des guerres et des barbaries - avec leurs flots de migrants - du fait de ces raréfactions et de la fin du pétrole (qui finance largement l'épiphénomène islamiste), la décroissance économique généralisée, l'exacerbation de la problématique démographique, l'explosion des effets de nocivité de toutes les pollutions et empoisonnements accumulés depuis plus d'un siècle, l'irréparable perte de biodiversité, la prolifération des mutations génétiques nocives voire létales,  l'abrutissement croissant des masses dans la logique "du pain et des jeux", les pouvoirs totalitaires grandissants des multinationales du big-data et des fadaises qui vont avec, l'impuissance de la démocratie en général et des Etats en particulier de résoudre les vrais problèmes de l'humanité, etc …

La seule attitude raisonnable est de commencer à faire son deuil d'une richesse et d'une abondance matérielles qui n'existeront bientôt plus.
En résumé, voici les ruptures et les propositions auxquels nous devons faire face (s'il n'est pas déjà trop tard) :

-    Acter que nous sommes entrés dans une logique de pénurie accélérée et irréversible de toutes les ressources matérielles indispensables au fonctionnement du système humain dont la démographie doit impérativement être jugulée (si les hommes ne le font pas, la Nature s'en chargera et ce sera terrible, brutal et aveugle) ; il nous faut pratiquer la frugalité sans modération, la frugalité du « moins mais mieux », une frugalité qui permet, en même temps, des économies de moyens et une meilleure qualité de vie ; il nous faut réinventer la joie de vivre dans la frugalité bienfaisante.

Quelques pistes de réflexion :
-    Limiter drastiquement tous les endettements des ménages, des entreprises et des Etats afin de briser la fuite en avant (on ne devrait dépenser que de l'argent que l'on possède déjà).
-    Interdire les droits de tirages spéciaux qui ne sont que des acharnements thérapeutiques dans l'attente d'un "miracle technologique" qui ne viendra jamais.
-    Taxer fortement tous les revenus spéculatifs afin de tuer le financiarisme.
-    Revaloriser toutes les formes d'intelligence et miser sur les savoir-faire différenciants.
-    Frugalité ! Frugalité ! Frugalité ! Rien que l'indispensable.
-    Acter que la révolution numérique a modifié, en profondeur, toute la substance de nos relations aux autres, au monde, aux savoirs, à la connaissance, au travail… et à notre propre cerveau dont la configuration s'en trouve irréversiblement transformée ; le monde qui vient sera celui de toutes les intelligences pour lesquelles la technologie doit être un amplificateur et non un maître ; une civilisation des intelligences, de l'esprit et de la connaissance est à présent ouverte et à explorer.

Quelques pistes de réflexion :
-    Rejeter drastiquement tous les gadgets (et leurs fournisseurs GAFA) californiens dont la valeur d'usage est nulle malgré leur apparence et qui ne sont que ludiques (réseaux sociaux, hyper-localisation, big-data, clouds, tablettes, ordiphone, téléchargements d'images, de vidéos et de musique, etc ...).
-    Savoir que 40% des emplois actuels seront assumés par des robots de nouvelle génération qui sont déjà là (conçus en Europe, au Japon, en Corée et en Chine .. et pas aux USA), et s'y préparer prestement.
-    Eduquer les enfants contre la dictature audiovisuelle qui fabrique des idiots visuels lobotomisés juste bons pour "le meilleur des mondes".
-    Refuser la tyrannie de la connexion.
-    Acter que nos vieilles habitudes hiérarchiques, quantifiantes, procédurières et planificatrices sont obsolètes dans un monde toujours plus complexe, toujours plus imprévisible, toujours plus qualitatif, toujours plus hors espace et hors temps, toujours plus dans l'immédiateté ; le monde qui vient sera celui des réseaux collaboratifs, des activités nomades, de l'abolition du salariat, du développement permanent de soi avec tout ce que cela veut dire de nouveaux métiers à créer.
Quelques pistes de réflexion :
-    Quitter la logique des dinosaures gigantesques et pratiquer une logique de lémuriens agiles.
-    Instaurer partout en Europe l"allocation universelle (cfr. Utrecht et la Finlande) et licencier 60% des fonctionnaires.
-    Entrer dans la logique des réseaux collaboratifs et des entreprises "libérées" c'est-à-dire libérées des diktats de la finance, de la "carrière", de la "croissance", des cotations, etc ...
-    Libérer l'Ecole et l'Université de la mainmise de l'Etat et rendre chaque établissement d'étude et de recherche autonome, autogéré et responsable de ses résultats.
-    Acter que le modèle économique encore dominant que l'on peut qualifier de financiaro-industriel, est mort, rongé à l'os par la guerre des prix bas, par le rabotage absurde des marges et par la médiocrité voire la non-qualité généralisées ; le seul antidote est la virtuosité personnelle et collective afin de toujours et partout affirmer sa différence, donc sa différenciation, par l'excellence des talents, des intelligences et des savoir-faire ; le facile ne vaut rien, le facile, tout le monde peut le faire.
Quelques pistes de réflexion :
-    Pratiquer en tout le culte de la virtuosité et l'économie de niches à hautes marges.
-    Sortir de la logique énergétique, en général, et de la logique pétrolière, en particulier.
-    Comprendre et appliquer l'adage : l'avenir de l'Europe est en Europe, avec la Chine et contre les USA qui, en tout, doivent être traités en persona non grata.
-    Appliquer enfin l'adage : "small is beautiful".
-    Renoncer aux plans et budgets, et développer le goût de l'intelligence, les capacités d'agilité, le sens de l'opportunité, le talent de la réactivité dans le cadre strict d'une vocation entrepreneuriale claire et enthousiasmante.
-    Comprendre que la finalité de l'entreprise n'est pas de fournir des rentes financières à ses actionnaires, ni des rentes sécuritaires à ses employés.
-    Acter, enfin, que le passage de l'avoir et du paraître vers l'être et le devenir est indispensable, le passage salvateur de l'extériorité à l'intériorité : la vraie vie est la vie intérieure, la vie spirituelle qui donne sens et valeur à tout ce que l'on est, à tout ce que l'on vit, à tout ce que l'on fait ; un nouvel art de vivre, avec soi-même, avec les autres et avec la Nature doit être inventé avec passion, avec enthousiasme, avec amour.
Quelques pistes de réflexion :
-    Remettre l'économie au service du bonheur et non l'inverse.
-    Ne plus perdre sa vie à la gagner.
-    Cesser de croire que la finalité de l'entreprise est de faire du profit :le profit est une conséquence et un moyen, mais pas un but.
-    Décapitaliser afin de mieux rémunérer la virtuosité.
-    Partout donner du sens et de la valeur qualitative au-delà des prix.
-    Entrer dans une logique d'accomplissement et non de rentabilité.
-    Sortir des logiques de salariat et pratiquer le néo-artisanat.
-    Jeter les codes du travail à la poubelle.

- Rémunérer les résultats et non pas les heures passées.

Marc Halévy, 8/9/2015.