Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Mathématiques, platonisme et réalité

Les idéalisations mathématiques sont inaptes à cerner et à modéliser la complexité réelle du Réel.

Le monde des Idées de Platon n'est rien d'autre que l'ensemble des sécrétions idéelles du cerveau des hommes. Platon a inversé la dynamique du Réel : ce ne sont pas les Idées éternelles et immuables qui induisent les formes imparfaites qui hantent ce monde-ci, c'est, tout au contraire, la pauvreté et l'inhabileté du cerveau des hommes qui ne peuvent s'empêcher de réduire la complexité et la multiplicité des formes réelles à des idéalisations simplistes et pauvres.

La droite et le cercle ne sont pas les formes idéales par excellence dont toutes les autres procèdent ; la droite et le cercle sont les modèles les plus appauvris, les plus simplistes, les plus élémentaires et les plus débiles de toute la riche faune des formes réelles qui, elles, sont presque toujours fractales, presque toujours chaotiques.

Cette inversion anti-platonicienne de la dynamique du rapport entre le Réel et le cerveau humain induit une conséquence immense : la fin de l'illusion mathématique du Réel.

Les mathématiques, parce qu'elles ne mettent en œuvre que des formes idéalisées, réduites, simplistes, élémentaires, tant par les figures que par les nombres, sont inaptes au réel.

Les mathématiques sont une fascinante et passionnante construction de l'esprit humain (un exercice gratuit d'abstraction et de logique), mais elles ne sont pas le langage de Dieu, elle ne sont pas le langage de la Nature, elles ne sont pas le langage du Réel. Tout au plus, dans certains cas les plus élémentaires, peuvent-elles en donner une approximation utile comme en mécanique, par exemple. Mais sorties de là, elles sont totalement impuissantes.

Faut-il, alors, rejeter tout l'arsenal mathématiques que des siècles de recherche et d'intelligence ont patiemment et subtilement construits ? Evidemment non. Il ne s'agit pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Il s'agit, beaucoup plus simplement, mais très radicalement, de cantonner les mathématiques (du moins dans leur statut de langage appliqué à la modélisation du réel et non dans son statut de théorie abstraite et pure n'ayant qu'elle-même pour seul but - l'art pour l'art, en somme) pour ce qu'elle sont : un langage et un outil de développement d'hypothèses physiques dans les cas les plus rudimentaires où la mécanique l'emporte sur l'organique, où le compliqué prime sur le complexe, où l'analycité l'emporte sur la globalité, où la linéarité masque suffisamment les non-linéarités.

Marc Halévy, le 12/02/2010