Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Un univers artiste

L'univers se construit, pas à pas, comme il peut, par essais et erreurs ; il se cherche ; il s'éprouve ; il tente de réutiliser les recettes déjà testées avec succès ; il recycle ses heuristiques tant que faire se peut, d'où l'impression de régularité universelle.

Contrairement à ce qui est souvent prétendu, tout l'univers n'est pas l'expression d'une régularité universelle (c'est le cas de le dire ). Il faut inverser la proposition : ce que l'homme voit, regarde et étudie, dans sa perception de l'univers, c'est ce qui y paraît régulier ; ce qui ne l'est pas, est considéré, depuis très longtemps, comme incompréhensible donc comme sans intérêt. D'où notre vision idéaliste de l'univers, depuis Pythagore et Platon ; d'où notre obstination à croire que le langage mathématique (le langage de la régularité) est le langage de Dieu lui-même (Galilée).

En réalité, l'univers se construit, pas à pas, comme il peut, par essais et erreurs ; il se cherche ; il s'éprouve ; il tente de réutiliser les recettes déjà testées avec succès ; il recycle ses heuristiques tant que faire se peut, d'où l'impression de régularité universelle.

L'attention exclusive portée aux régularités a vite débouché sur l'idée (idéaliste) que l'univers était gouverné par des lois universelles affinées par des constantes universelles. Tel est devenu le credo central de la science classique. Et personne ne s'est trop posé les questions essentielles :  qui avait imposé ces lois ? Et pour quoi faire ? Pourquoi ces lois-là et pas d'autres ?

Au commencement, au temps t=-∞ , il y avait, selon la vulgate newtonienne, l'espace, le temps et la loi.

Aujourd'hui, on sait que ni l'espace, ni le temps, ni les lois ne sont premiers, mais qu'ils sont des produits de l'activité du Réel, qui les engendrent selon ses besoins, en chemin vers l'accomplissement (largement improvisé) de sa propre plénitude.

Le Réel n'est ni un comptable, ni un ingénieur (même si, quelques fois, lorsque le besoin s'en fait sentir, il peut parfaitement l'être) ; l'univers est bien plutôt un artiste en quête de sa propre création.

Et comme tout artiste, pour créer son œuvre, il a besoin de trois choses essentielles : du matériau, de la technique (avec les outils qui vont avec) et du travail.

Le tas de matériau se fera de l'espace, l'activité de travail se donnera du temps, et la techniques avec ses outils se donneront des règles. Mais comme tout artiste, le Réel  usera des matériaux, outils et heures de travail à sa guise, selon les circonstances et l'inspiration, de façon pas toujours très orthodoxe.

Le Réel n'est pas rigoureux et l'à-peu-près, lorsqu'il est pressé, lui convient très bien (ce qui n'arrange pas du tout les mathématiciens et les physiciens classiques pétris de mathématiques).

Est-ce à dire que le Réel est incompréhensible ? Point du tout. Mais sa compréhension ne passe pas par les règles de travail (des lois universelles), mais bien clairement par le projet qu'il poursuit (son propre accomplissement en plénitude) et la logique qu'il met en œuvre pour le réaliser (les inventions, innovations, émergences et astuces qui ont permis, à son œuvre, de devenir de plus en plus complexe et riche).

On a voulu faire de l'univers un instrumentiste virtuose de ses règles techniques (les lois universelles) ; c'est oublier trop vite que qu'un artiste de génie, est bien plus qu'un virtuose, c'est un créateur, un improvisateur,  un magicien …

 

Marc HALEVY, 4/11/2018