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Israël : comprendre l'Histoire

Les Juifs sont-ils chez eux en Israël ?

Alain Finkielkraut a mille fois raison : il n'y aura jamais d'issue au conflit israélo-palestinien (le conflit que mènent les Palestiniens contre Israël) tant que ne sera pas donnée une réponse affirmative, radicale et définitive quant à : "(…) savoir si les Juifs sont chez eux en Israël". Les arabo-musulmans du Proche-Orient refusent que les Juifs puissent être chez eux en Israël. Ils ne veulent pas de Juifs du tout, d'ailleurs, ni là, ni nulle part … malgré que cette terre soit celle dont les Juifs aient été chassés par les envahisseurs romains et celle qui n'était qu'un désert quasi inhabité avant qu'ils ne la transformassent, depuis 1917, puis 1948, en un pays politiquement démocratique, économiquement développé et technologiquement de pointe.
Les Juifs sont chez eux en Israël, tant par l'Histoire que par le Travail.
Quant aux Palestiniens, qu'ils retournent d'où ils viennent, d'Egypte, de Jordanie ou de Syrie, de ces pays qu'ils ont fuis pour profiter de l'accueil et de l'essor que leur offraient les Juifs israéliens dans les années 1950 et 1960, au nom du sionisme c'est-à-dire au nom de l'humanisme, du progressisme, du socialisme, du laïcisme et du solidarisme.

Tout a basculé vingt ans après, en 1967, lorsque l'Egypte, excitée par Nasser et aiguillonnée par les soviétiques, a voulu bloquer le détroit de Tiran pour asphyxier Israël ; ce fut la guerre des six jours qui réduisit à néant les armées coalisées d'Egypte, de Jordanie et de Syrie (toutes trois soutenues par l'URSS qui voyait en Israël une tête de pont américaine dans ses territoires).
Pendant la guerre de Kippour, en octobre 1973, Syriens et Egyptiens ayant à nouveau attaqué Israël par le Golan et le Sinaï, prennent une raclée définitive, qui blessa à mort l'orgueil, l'arrogance et la vanité des peuples arabes. Vengeance ! fut et est toujours le mot d'ordre panarabe.
En parallèle avec les grands mouvements de décolonisation, durant les années 1960 et 1970, l'exode (la "montée") des Juifs sépharades du Maghreb et du Moyen-Orient vers Israël, y importa des mentalités beaucoup plus religieuses et conservatrices, bien loin des socialismes idéalisants et utopiques des pères fondateurs ashkénazes (tous arrivés, déçus par le stalinisme, mais plein de l'idéal socialiste). Israël accueillit, alors, des mentalités sépharades, poétiques plus qu'idéologiques, méridionales plus que boréales, dans la foi plus que dans la loi, amoureuses du Cantique des cantiques plus que des Talmuds, des mentalités joyeuses mais dures et tannées au fil des siècles par le mépris et le statut de la dhimma imposés au Juifs par les autorités musulmanes et turques.

En Israël, la période 1967-1973 est celle du grand basculement où s'effondre les idéalismes du socialisme ashkénaze face aux turpitudes arabes incarnées par Yasser Arafat, neveu et secrétaire du grand Mufti Husseini de Jérusalem, ami intime de Hitler durant la guerre ; après l'OLP, le Fatah devient une immense machine de collecte de fonds, que l'URSS téléguide de loin. La guerre civile devient le seul fonds de commerce palestinien. Ce fonds attire les caïds arabes de tous les pays alentour qui, peu à peu, prendront les rennes de l'action guerrière, jusqu'à terroriser, de l'intérieur, les Palestiniens "de souche". Ces caïds prennent le contrôle et balaient les "mollesses" du Fatah en créant, dans la bande de Gaza surtout, le 'Hamas ("violence" en hébreu) qui élimine le Fatah et prend le pouvoir dans la terreur (les "vrais" Palestiniens sont les otages et les boucliers vivants des bouchers du 'Hamas sunnite financé par l'Arabie saoudite, en contrepoids du 'Hezbollah chiite libanais, financé par l'Iran).
Ajoutons à cela que, depuis les crises pétrolières de 1973 et 1979, au nom des "droits-de-l'homme" unilatéralement réinterprétés, les lèches-bottes des droites et, surtout, des gauches occidentales, ayant bien trop peur de subir les foudres de leurs fournisseurs de sacro-saint pétrole, pratiquent assidument l'antisionisme, nouvelle version du vieil antijudaïsme chrétien et du plus récent antisémitisme nationaliste et socialiste,
Après les assassinats de Paris, si pathétiquement médiatisés et si odieusement récupérés par les politiques de tous bords, le peuple français, découvre, dans sa chair, ce que les Israéliens connaissent, toutes les semaines, sans cesse depuis 1948. Bienvenue au club …!
On a fait un ramdam mondial avec la mort (odieuse et inacceptable) des provocateurs de Charlie Hebdo ; on a presque déjà oublié les quatre Juifs assassinés le même jour, sans provocation ni raison, dans un magasin kasher de Paris ; on n'a même pas prêté attention au Palestinien qui a planté son couteau dans treize ventres juifs dans un bus à Tel-Aviv, quelques jours après.
Les morts n'ont décidément pas le même poids.

Mais une question reste en suspens. La plus essentielle, sans doute. Pourquoi, après la Shoah, les Nations Unies se sont-elles fait devoir de rendre une terre au peuple juif ? Qu'y avait-il donc à expier ? Qu'y avait-il donc à exorciser ? De quoi fallait-il donc se débarrasser ?
Que la terre d'Israël fût choisie, procéda d'une bonne double logique : elle est la terre ancestrale des Juifs depuis plus de trois mille ans … et en plus, en 1917 (déclaration Balfour et début de la seconde Alyah), cette terre était essentiellement un désert, brouté à l'os par les chèvres de quelques tribus bédouines nomades. Jérusalem était en ruine et abritait la majorité des 600.000 Arabes jordaniens qui en exploitait les souks. Le reste du pays était quasi abandonné, parcourus de méharées et ponctuées de razzias. En 1917, il y avait de l'ordre de 70.000 Juifs déjà installés depuis longtemps sur le sol de la Palestine turque, d'abord, et anglaise, ensuite, à l'ouest du Jourdain (environ l'actuel Israël).
La création d'un Etat d'Israël par l'ONU espérait résoudre deux soucis : se débarrasser du "problème" juif et expier la mauvaise conscience de la Shoah.
Ces deux espoirs ont été terriblement déçus et, par leur déni de réalité et leur naïveté puérile, ont induit des causes et des effets sans fin.

Marc Halévy, 27 janvier 2015